"étoffes cutanées "

Le drapé confère plus d’importance au geste qu’au corps. Il dessine un être aux contours si fluides que l’ombre d’un mur ou d’une porte suffit à l’absorber. On s’émerveille du mimétisme de l’animal qui le transforme en pierre ou feuille aux yeux des prédateurs. La femme arabe joue peut-être la même ruse. Sa chair disparaît sous la peau du vêtement. Elle ne donne à voir que le récit mouvant des vagues de plis de la toile ou du voile où elle s’est effacée. Douleur ou solitude, désordre ou apaisement, il existe peut-être une sémiologie du pli, incertaine, subtile, éphémère, ténue.
Clérambault l’a sans doute cherchée en fixant sur ses plaques l’image des pauvres femmes voilées qu’il soumettait à ses caprices. L’orientaliste a certainement échoué, trop éloigné, trop certain du radical exotisme des poses de ses modèles. L’homme en revanche fut troublé, peut-être, par cette essence océanique de la féminité que la tradition finissait d’exalter en croyant l’opprimer.

Yannick Francois